BSN : comment la Chine prend un temps d’avance sur la monnaie numérique
Après une période de six mois de bêta test, la Chine a officiellement lancé son « Blockchain Service Network » (BSN). Surnommé « la blockchain des blockchains », c’est un outil qui ouvre la voie à un yuan numérique, mais aussi à un nouveau véhicule de commerce international, sous contrôle évidemment.
Le 25 avril a eu lieu une conférence de presse officielle à Pékin, en Chine. Il s’agissait du lancement officiel du BSN, le « Blockchain Service Network », un outil qui marque une étape importante dans l’adoption de masse de la technologie du même nom.
Un réseau mondial
En bêta depuis 6 mois, le service a été testé par plus de 2000 développeurs. Il a été conçu par State Information Center, China Mobile, China Unionpay, et Red Date Technology. Techniquement, il est décrit comme un « réseau d’infrastructure mondial cross-cloud, cross-portal et cross-framework » utilisé pour déployer et exploiter tout type d’application blockchain.
Le BSN se veut aussi une aide au développement de projets blockchain avec la capacité de minimiser les coûts d’exploitation. Plusieurs pré-projets ont déjà été développés, sur des sujets comme la traçabilité et la facturation électronique par exemple. 128 nœuds publics seraient déjà en service, dont 76 en Chine ; 200 nœuds devraient être opérationnels à la fin de l’année.
Vers un « yuan numérique »
La Chine travaille depuis six ans à l’élaboration d’une stratégie relative aux applications blockchain, notamment celle de la monnaie numérique. En revanche, la stratégie du gouvernement n’a pas été développée outre-mesure. Il semble toutefois clair que le BSN représente la partie technique de ce que l’on appelle déjà le yuan numérique.
En investissant dans cette infrastructure, la Chine se dote d’un outil qu’elle contrôle de bout-en-bout, mais qui pourrait aussi mieux servir ses intérêts. En l’occurrence, on peut y voir la continuité du système de « Social Credit » ; projet local de réputation des citoyens. Reposant sur des socles technologiques (big data notamment), ce dernier se verrait ici augmenter avec une monnaie numérique traçable à souhait.
Mais ce n’est pas tout. L’utilisation du yuan numérique aurait également vocation à devenir un véhicule utilisé à terme pour toutes les transactions avec les partenaires commerciaux. D’un côté les entreprises et individuels pourront échanger ces yuans numériques, de l’autre les étrangers disposeront alors d’un canal privilégié, toujours sous-contrôle du gouvernement chinois.
Une pression sur l’Europe et les Etats-Unis
La Chine envoie donc un message fort avec le BSN ; que personne ne pourra désormais ignorer. Elle se dote, par ailleurs, d’un outil de contrôle des capitaux et de lutte contre le blanchiment. Une pierre, deux coups ! A tel point qu’il semble difficile d’imaginer que les autres puissances restent muettes. C’est l’un des effets bénéfiques possible : une accélération du développement de « framework » localisés en réponse au BSN.
Aux Etats-Unis, l’adoption massive de la blockchain est en peine, d’un point de vue national. La Finance commence à se mobiliser. Selon Bloomberg, JPMorgan Chase a récemment accueilli Coinbase et Gemini dans ses clients, faisant écho à la hausse de participation des investisseurs institutionnels dans les crypto-devises.
En Europe, les expérimentations se multiplient. La dernière en date émanant de la Banque de France mi-mai, avec le concours de Société Générale Forge. Il s’agit d’un test qui s’inscrit dans la démarche de création d’une monnaie numérique de banque centrale (CDBC) de gros.
De nouveaux partenaires financiers, français et potentiellement européens, devraient venir se greffer aux futures expérimentations. Toujours est-il que la Chine, avec le BSN, a clairement pris une longueur d’avance tant dans l’exécution que dans la vision concrète d’une utilisation de la blockchain.